Le 7ème Baromètre Arthur Loyd évalue l’impact qu’aura la promulgation de la loi ZAN (zéro artificialisation nette), visant à protéger les sols et à lutter contre l’expansion urbaine.
Les résultats ne sont pas encourageants : d’ici 2030, il manquera 113 000 hectares en France métropolitaine pour loger les Français et développer les régions. 20 villes seront particulièrement affectées, avec en tête de liste Toulouse, Bordeaux et Nantes.
Entre 2011 et 2020, la population a augmenté de 2 millions d’habitants et la France a dû chaque année artificialiser 23 000 hectares de nouveaux sols pour soutenir son développement économique et démographique (construction de logements, services publics d’éducation, de soins, de transport, de stockage ou encore la construction de commerces).
L’espace devenant aujourd’hui une ressource rare et limitée, c’est la raison pour laquelle la mesure zéro artificialisation nette a été mise en place.
La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette)
Mesure introduite par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, son double objectif est à la fois de :
- Réduire de moitié la consommation de sols naturels, agricoles et forestiers en France d’ici 2030.
- Atteindre d’ici à 2050 l’arrêt de l’artificialisation des sols (soit avoir au moins autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées).
Les conséquences de la loi ZAN
Cependant, cette nouvelle restriction aura des conséquences sur :
- Les territoires : 20 pôles (bassins d’emploi INSEE) vont concentrer 25 % du nombre total d’hectares manquants en France, créant une inégalité territoriale.
- Les ménages : La rareté de l’offre de logement disponible à la location ou à la vente entraînera une augmentation durable du coût de l’immobilier, ce qui diminuera le pouvoir d’achat des particuliers.
- Le développement économique et la transition environnementale du pays : À l’heure de la réindustrialisation verte, l’installation d’usines et de leurs écosystèmes nécessitera la mise à disposition d’importantes disponibilités foncières.
Les territoires les plus en tension
La carte ci-jointe illustre les régions où la loi ZAN restreint le plus les besoins en terrains.
Cevan Torossian, Directeur du département Etudes & Recherche d’Arthur Loyd, explique que cette nouvelle loi a changé la façon dont on utilise les terrains en France, encourageant à la « sobriété foncière », soit l’utilisation de moins de nouveaux terrains. Cependant, cette dernière avantagera ceux ayant déjà des terrains construits ou préparés pour la construction, puisque leur valeur augmentera probablement. Par contre, il sera plus difficile et plus cher de construire sur un terrain à cause de la diminution des terrains disponibles.
La loi ZAN et la crise du logement : une menace pour le pouvoir d’achat des ménages
Selon l’INSEE, le nombre de ménages en France devrait augmenter, passant de 30 millions en 2018 à 34 millions en 2050. Cette croissance démographique va créer un besoin accru de logements, de services et d’équipements, dans un contexte où les terrains disponibles se font de plus en plus rares.
« Selon les évaluations menées par la Cour des comptes et les professionnels du secteurs, ce sont 370 000 à 449 000 logements qu’il faudrait construire chaque année pour répondre aux besoins des ménages. Or, à peine 250 000 mises en chantier de logements devraient être comptabilisées en 2024. Sans compter les infrastructures et les aménités que l’accroissement de la population peut entrainer, ainsi que la diminution structurelle de la taille moyenne des ménages.» affirme Cevan Torossian.
La loi ZAN pourrait-elle entraver la réindustrialisation ?
En 2023, 12,8 milliards d’euros ont été investis dans les industries vertes en France. La plupart de cet investissement a été réalisé dans des zones hors des grandes villes. Cependant, ces zones pourraient être les premières touchées par les restrictions de construction. De plus, environ 22 000 hectares de terrain seraient nécessaires pour la réindustrialisation du pays, ce qui représente un défi majeur. Il faudrait donc trouver suffisamment d’espace pour accueillir non seulement les nouvelles usines, mais aussi les infrastructures associées.
Cevan Torossian suggère le recyclage urbain, soit la transformation de terrains inutilisés et de bâtiments obsolètes. Cependant, il souligne que ces pratiques sont complexes, coûteuses et longues. De plus, il mentionne que le projet de loi visant à accélérer et simplifier la rénovation de l’habitat dégradé, complique plutôt que simplifie. Pour faciliter la construction, il propose de réduire la complexité administrative et de faire une pause sur l’application de la loi ZAN, qui limite l’utilisation des terrains.
Selon le baromètre Arthur Loyd, les industries vertes en France ont besoin entre 846 et 2 672 hectares de terrain par an. Cela dépend de la façon dont on compte les parcs solaires. Les industries vertes pourraient représenter entre 7% et 21% de l’objectif de la France pour l’utilisation des terrains entre 2021 et 2030. Cependant, ces industries pourraient faire face à une concurrence accrue d’autres secteurs et à l’opposition des résidents, ce qui pourrait rendre difficile la recherche de terrains appropriés pour leur développement.
Ainsi, Cevan Torossian souligne l’importance de considérer les réalités territoriales dans la gestion des terrains. Il met en avant la nécessité d’évaluer les risques du manque de terrains pour atteindre les objectifs environnementaux et économiques de la France. Il suggère un moratoire de 18 à 24 mois sur l’application de la loi ZAN pour évaluer ses impacts. Ce moratoire enverrait un message fort aux industries vertes et permettrait d’intégrer la loi ZAN dans les documents d’urbanisme.
Un article rédigé par Lucie Millet