Autant le confinement était compliqué, autant le déconfinement s'annonce au moins aussi périlleux. Comment les salariés doivent-ils réintégrer leur entreprise ? Quelles sont les règles juridiques à respecter ? Pas facile et même un casse-tête chinois
Comment le retour des salariés dans l’entreprise est-il juridiquement encadré ?
Le Gouvernement incite à une reprise rapide de l’activité économique à compter du 11 mai prochain.
Cela nécessite d’une part, une information – consultation du CSE pour les entreprises dont les effectifs sont supérieurs à 50 salariés, et d’autre part, une reprise d’activité des salariés qui peut être individualisée.
S’agissant de l’information consultation des représentants du personnel, il est annoncé la promulgation d’un Décret dans les prochains jours pour réduire le temps nécessaire à la bonne exécution de cette procédure.
Pour mémoire, et sauf accord d’entreprise en disposant autrement, le délai de consultation est, à l’heure actuelle, d’un mois pouvant être porté à 2 mois en cas d’expertise sollicitée par les élus.
S’agissant de la reprise effective des salariés, il sera rappelé que lors de l’entrée de crise, les salariés, et ce compris les représentants du personnel. ne pouvaient s’opposer à leur inscription dans le dispositif d’activité partielle décidé par l’employeur.
Il en va être de même pour la sortie des salariés du dispositif de chômage partiel.
Il reste à craindre de situations où les salariés se retirent de leur poste de travail en faisant valoir un danger grave et imminent, faute pour l’employeur d’avoir pris des mesures efficientes de préservation de sa santé et de sa sécurité.
Il s’agira le plus souvent de situations individuelles qu’il conviendra de régler au cas par cas, au besoin avec l’intervention de l’inspecteur du Travail.
Il convient également de noter qu’une Ordonnance du 22 avril, dérogatoire et provisoire, permet à l’employeur d’individualiser les sorties des salariés du dispositif d’activité partielle. Pour ce faire, il lui faudra conclure un accord d’entreprise ou obtenir un avis favorable du CSE.
Bien naturellement, il y a des gardes fous, et notamment l’obligation pour l’employeur d’identifier les critères objectifs liés aux postes et aux fonctions justifiant la différenciation des situations entre les salariés ainsi que les modalités particulières pour concilier vie professionnelle et vie personnelle et familiale.
Il n’en reste pas moins que ce régime apporte une souplesse de gestion particulièrement appréciable pour l’employeur à l’heure de faire redémarrer l’entreprise, et permettra, peut-être, d’apaiser les appréhensions en assurant une montée en charge individualisée des reprises d’activité professionnelle.
Quelles sont les obligations de l’employeur vis-à-vis de ses salariés en lien avec le déconfinement ?
L’employeur est légalement tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés. Ces mesures comprennent des actions de prévention, d’information, et de formation.
Depuis 2015, la jurisprudence considère que l’employeur est tenu à ce titre d’une obligation de moyen renforcé : sa responsabilité sera engagée si il ne démontre pas avoir tout mis en œuvre pour éviter une dégradation de la santé de ses salariés.
Concrètement, avec le COVID 19, l’employeur doit :
- procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ; A ce titre, il doit actualiser le document unique d’évaluation des risques.
- déterminer, en fonction de cette évaluation les mesures de prévention les plus pertinentes ;
- associer les représentants du personnel à ce travail ;
- solliciter lorsque cela est possible le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces, la mise en œuvre des « gestes barrière » ;
- respecter et faire respecter les « gestes barrières » recommandés par les autorités sanitaires.
Bien naturellement, le télétravail reste l’organisation privilégiée pour prévenir les risques.
Sur les lieux de travail, l’employeur doit avoir une analyse quasi géostationnaire du fonctionnement de son entreprise et s’interroger sur les lieux de passage et de réunions susceptibles d’augmenter les risques de transmission : lieux de badgeage, de pause, les vestiaires, les tourniquets d’entrée dans l’entreprise comme pour l’affaire Amazon. Il doit ainsi mettre en place un dispositif qui évite les goulots d’étranglement et les rassemblements.
Il doit également repenser l’espace de travail en assurant le respect des règles de distanciation physique tout en portant une attention particulière sur les postes de travail impliquant un contact avec le public.
Les représentants du personnel doivent être associés à ce travail d’analyse.
En termes de fonctionnement, il doit faire respecter les règles de distanciation et les gestes barrières en limitant notamment :
- au strict nécessaire les réunions
- annuler les déplacements non impérieux.
Naturellement, il doit mettre à disposition les gels antibactériens, et assurer un nettoyage régulier et fréquent des postes de travail.
Le Gouvernement a déjà publié 33 Guides métiers présentant les « bonnes pratiques » à respecter vis-à-vis d’un certain nombre de professionnels. Il est à noter qu’une fiche a également été établie pour gérer les « lieux communs et vestiaires » dans l’entreprise sans considération des métiers qui y sont exercés.
Surtout, il a été publié le 03 mai 2020 un protocole national de déconfinement qui se décompose en 7 parties distinctes :
- les recommandations en terme de « jauge » par espace ouvert,
- la gestion des flux,
- les équipements de protection individuelle,
- les tests de dépistage,
- le protocole de prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts rapprochés,
- la prise de température,
- le nettoyage et la désinfection des locaux.
Il est à noter que la sécurité n’est pas l’apanage du seul employeur : le salarié est, au terme du Code du Travail, tenu d’assurer sa propre sécurité et celle de ses collègues de travail.
Le salarié ne doit pas se sentir déresponsabilisé, et le rôle de l’employeur comme des représentants du personnel est primordial en la matière.
Jusqu’à quelle date les entreprises peuvent elles profiter du système de chomage partiel étendu ?
Il convient de distinguer deux dates :
- A compter du 1 er mai, il est mis un terme aux arrêts indemnisés pour garde d’enfant, qui permettaient d’être indemnisés par l’employeur, en complément des indemnités journalières, à hauteur de 90% du salaire.
Cela concerne 2 millions de personnes.
Le maintien de ce dispositif aurait entrainé, par principe une baisse des indemnisations à 66%.
En basculant dans le dispositif d’activité partielle, les intéressés bénéficieront d’un maintien de salaire à hauteur de 70% de leur salaire brut soit l’équivalent de 84% de salaire net.
Ce cout sera supporté par l’Etat jusqu’au 1er juin.
- A compter du 1er juin 2020, il est acquis que les règles d’indemnisation par l’Etat du chômage partiel vont être modifiées à la baisse.
C’est ce qu’a déclaré en substance le Premier Ministre à l’Assemblée nationale le 29 avril dernier : « Le dispositif d’activité partielle, qui est un des plus généreux d’Europe, restera en place jusqu’au 1er juin » «Il nous faudra ensuite l’adapter progressivement, afin d’accompagner la reprise d’activité si l’épidémie est maîtrisée».
Nous restons dans l’expectative des prochains arbitrages qui seront prononcés sur ce point, l’enjeu étant d’inciter une reprise d’activité tout en préservant la santé économique d’entreprises durement impactées par la crise.
D’ores et déjà, et à compter du 1er mai 2020, une Ordonnance est venue restreindre les conditions d’exonérations des charges sociales portant sur les indemnités complémentaires versées par l’employeur en complément de l’allocation chômage.
Si jusqu’à présent, les sommes versées par l’employeur suivaient le même régime que les allocations chômage, il est dorénavant prévu qu’il y ait application des charges sociales au delà de 3,15 fois le SMIC.
Eu égard au cout qu’a représenté le dispositif d’activité partielle mis en œuvre en urgence, et au souhait d’une reprise rapide de l’activité économique, il est clair que les jours du « dispositif le plus généreux d’Europe » ait fait son temps.
Nicolas Perroux avis d’expert :
« Me Nicolas PERROUX conseille depuis plus de 20 ans une clientèle d’employeurs dans la gestion leurs problématiques en Droit du Travail.
Le Cabinet JUDICIA Avocats au sein duquel il est Associé avec Me Isabelle BAILLIEU se situe à Montpellier dans le quartier du Millénaire. Il offre ses compétences et son savoir-faire pour conseiller ses clients en matière de relations collectives et individuelles du personnel.
Le Cabinet procède à la rédaction des actes utiles et réalise les diligences nécessaires pour sécuriser les rapports juridiques.
Enfin, le Cabinet JUDICIA Avocats assure la représentation de sa clientèle auprès des juridictions, civiles et prud’homales et de sécurité sociale en cas de contentieux. »
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