Ce 4 novembre, Ecomnews recevait pour sa nouvelle émission « ON AIR », Olivier Sarlat, le directeur région Sud Activité eau chez VEOLIA. 10 questions de 2 minutes c’est le principe de l’émission pour comprendre les grands enjeux de l’eau qui nous touchent tout particulièrement sur le sud : sécheresse dans les Pyrénées-Orientales, inondations dans l’Aude, réutilisation des eaux usées, déssalement de l’eau de mer, prix de l’eau et tourisme….Interview vérité d’un professionnel de l’eau dans ON AIR, par Denys Bedarride, directeur de la rédaction de Ecomnews.
Les grands défis et enjeux de l’eau dans le sud de la France (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, sud de la Nouvelle-Aquitaine, Corse) sont multiples et s’intensifient avec le changement climatique : « l’eau, c’est un véritable marqueur du changement climatique par ses manques et par ses excès. C’est vrai que si on se reprojette quelques années en arrière, en 2022, quasiment tous les départements français ont été touchés par des restrictions d’usage de l’eau. » explique Olivier Sarlat.
Raréfaction quantitative : stress hydrique chronique
- Contexte : Le sud de la France est en zone de déficit structurel pluviométrique. Les précipitations annuelles sont inférieures à 800 mm (contre >1 000 mm au nord). Les étés 2022-2025 ont été les plus secs depuis 1959 (déficit >50 % en PACA et Occitanie).
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Conséquences :
- Baisse des débits des fleuves : Rhône (-20 % en étiage), Garonne (-30 %), Hérault (-60 %).
- Nappes phréatiques en baisse : 70 % des nappes du Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales sont sous les moyennes décennales (BRGM, octobre 2025).
- Réserves artificielles sous pression : barrages du Verdon, de la Garonne, de l’Orb à <40 % de remplissage en moyenne.
Un stress hydrique que Veolia se doit de gérer : « Cette diminution des débits des cours d’eau, cette diminution des recharges, des nappes souterraines, c’est un vrai défi auquel nous allons devoir faire face, collectivement, quels que soient les usages. On est là pour apporter des solutions aux collectivités pour assurer cette résilience hydrique des territoires pour que tout le monde puisse demain avoir de l’eau » confirme Olivier Sarlat
- Enjeu : Garantir l’alimentation en eau potable (AEP) pour 18 millions d’habitants et 30 millions de touristes estivaux.
Conflits d’usage : agriculture face aux autres secteurs
- Agriculture : 70-80 % des prélèvements d’eau en été (irrigation). Cultures intensives (vignes, arboriculture, maraîchage) dans le Languedoc, la vallée du Rhône, les Alpes-Maritimes.
- Tourisme : Golfs, piscines, stations balnéaires (Côte d’Azur, Camargue) consomment 10-15 % de l’eau en été.
- Industrie/énergie : Centrales nucléaires du Rhône (Bugey, Tricastin) et hydroélectricité (Verdon, Durance) nécessitent des débits minimaux.
- Enjeu : Arbitrage politique difficile. Exemple : restrictions 2023-2024 ont limité l’irrigation de 30 % dans l’Hérault, provoquant des pertes agricoles >200 M€.
Qualité de l’eau : pollutions diffuses et ponctuelles
- Nitrates et pesticides : 40 % des masses d’eau souterraines dépassent les normes nitrates (directive UE). Zones vulnérables : plaine du Roussillon, Crau, vallée du Rhône.
- Microplastiques et PFAS : Présence croissante dans l’étang de Berre, le Rhône, la Méditerranée (Ifremer 2024).
- Eaux usées : 30 % des stations d’épuration sont sous-dimensionnées en zone touristique (Corse, Côte d’Azur).
- Enjeu : Atteindre le bon état écologique (DCE 2000) pour 2027 est compromis (seulement 44 % des masses d’eau en bon état en 2022).
Changement climatique : amplification des extrêmes
- Sécheresses : Fréquence multipliée par 3 depuis 1980. Été 2025 : 120 jours sans pluie significative dans les PO.
- Inondations : Épisodes cévenols plus intenses (300 mm/24h en 2024 dans le Gard). Paradoxe : excès brutaux après sécheresse.
- Élévation du niveau marin : Érosion côtière (Camargue, Côte d’Azur) + salinisation des nappes littorales (Roussillon, Albères).
- Enjeu : Adapter les infrastructures (digues, réservoirs) et les cultures (variétés résistantes).
Gouvernance et financement
- Fragmentation : 6 agences de bassin, 13 régions, 1 200 syndicats d’eau. Manque de coordination.
- Tarification : Eau agricole sous-tarifée (0,05-0,15 €/m³ vs. 2-4 €/m³ pour l’AEP).
- Investissements : Besoin de 3-4 Mds€ d’ici 2030 (dessalement, réutilisation eaux usées, fuites réseaux).
- Enjeu : Accepter la hausse du prix de l’eau et la réallocation des usages.
Solutions en cours ou envisagées
Parmi les nombreuses solutions proposées par Véolia pour éviter un stress hydrique, le géant français propose notamment des actions concrètes pour éviter les fuites d’eau sur le réseau : « On a développé des nouveaux compteurs qui permettent de détecter les fuites sur des compteurs à ultrason. Et ça, c’est génial parce qu’il faut savoir qu’en France, on dit qu’il y a environ 80% de rendement de réseau. Donc, il y a 20% de l’eau que nous prélevons qui part en fuite. Et 80% de ces fuites sont sur les branchements. Donc, en écoutant mieux les branchements, on est encore plus efficient pour aller réparer ces fuites. » s’enthousiasme Olivier Sarlat.
Le sud de la France vit une crise structurelle de l’eau : trop peu d’eau, trop d’usages, trop de pollutions, et un climat qui aggrave tout. L’enjeu n’est plus seulement technique mais sociétal : accepter de consommer moins, payer plus, et changer les modèles agricoles/touristiques. Sans arbitrage fort d’ici 2030, des ruptures d’approvisionnement locales (type Catalogne 2008) sont certainement probables.









































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