Nous avons pu rencontrer l’essayiste et lobbyiste Agnès Verdier-Molinié qui fait polémique ou débat en ce moment, pour évoquer son dernier livre « Le Vrai Etat de la France ». Celle qui est aussi la directrice générale de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP) livre en exclusivité pour Ecomnews son analyse sur les défis de demain pour relancer l’économie et se débarrasser des lourdeurs administratives si caractéristiques de notre pays.
Le chiffre est à peine concevable : 3.000 milliards d’euros. C’est le montant actuel de la dette. Une dette qui a la particularité française d’être dépendante de détenteurs étrangers là où beaucoup d’autres pays aussi endettés que la France ont fait en sorte que « leurs propres résidents possèdent leur propre dette » de quoi les « rendre beaucoup plus indépendants ».
Mauvaise élève en matière de dette, la France l’est en partie à cause de sa balance commerciale déficitaire à hauteur de plus de 100 milliards d’euros quand nos voisins d’outre-Rhin parviennent régulièrement à enregistrer une balance commerciale excédentaire. La raison ? « On ne produit pas assez en France et on a oublié qu’il faut un système public qui favorise la création de richesse. »
Autres entraves : la charge administrative – « Nous l’avons chiffrée, à la fondation IFRAP, à 100 milliards d’euros », de même que le surcoût fiscal « de l’ordre de 140 milliards d’euros. » Précisément le montant dépensé par l’Etat pendant la crise du Covid sur deux ans.
L’Etat cache-t-il la vérité aux Français ?
L’essayiste se pose la question sérieusement au vu de la communication pré-élection présidentielle : moment suspendu où les menaces de la guerre en Ukraine sur le prix de l’énergie ont été mises entre parenthèses voire minimisées. « On nous disait : “Tout va bien ! Tout est au beau fixe ! L’économie française est parfaite et la part de dette par rapport à la richesse nationale est en train de baisser”. Mais moi je n’arrêtais pas d’alerter depuis des mois pour dire qu’on allait vers une période d’inflation énorme et qu’on allait vers des temps très durs sur l’énergie. »
Cruel manque d’anticipation qui « déstabilise les ménages français mais aussi beaucoup les entreprises », nos principaux créateurs de richesses. Ce n’était pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme, assure la directrice générale de l’IFRAP. « On a dit “Attention, on a trop de dette indexée sur l’inflation ! Ça va exploser le jour où les taux vont monter !” Mais est-ce qu’aujourd’hui l’Etat a fait ce qu’il fallait ? Non, et tout ça va s’accélérer. »
Quelles sont donc les solutions ?
Car il y en a ! Et elles sont à trouver dans les territoires, auprès des entrepreneurs eux-mêmes. « Pour moi c’est très important de rencontrer ceux qui font la richesse de ce pays, pour essayer de faire passer les bons messages, et dire à quel point notre système doit être changé. »
Parmi les pistes évoquées dans son ouvrage : la baisse des taxes de production, la suppression de l’impôt sur la fortune, le gel des taxes de succession, ou encore le fameux « travailler plus pour gagner plus » couplé à une fiscalité favorable. Une recette qui porte déjà ses fruits dans les pays du nord de l’Europe.
« Nous sommes à 39.000 euros de richesse par habitant alors qu’au Danemark c’est 60.000 euros par habitant de richesse nationale. Donc bien sûr qu’on peut faire mieux. »
Et pour Agnès Verdier-Molinié, le modèle du Mittelstand allemand peut être une solution. « Ce sont de grosses PME exportatrices, des familles entières ancrées dans les territoires, et nos territoires méritent d’avoir des entrepreneurs comme ceux-là. » A l’opposé de la vision du capitalisme hyper financée défavorable à la conservation de nos entreprises sur le territoire. “Capitalisme” n’est donc pas le gros mot que l’on dépeint souvent. Tout est une question d’état d’équilibre.