Née de la recherche académique, cette jeune pousse de biocontrôle mise sur la technique de l'insecte stérile pour créer un nouveau marché. Avec 14 salariés et des ambitions de production de 100 millions de moustiques par semaine d'ici 2028, elle incarne la transformation d'une innovation scientifique en modèle économique viable.
Terratis, créée en 2024 par l’ancienne chercheuse de l’IRD Clélia Oliva, révolutionne l’approche traditionnelle de la lutte anti-vectorielle en industrialisant la production de moustiques tigres mâles stérilisés. Une stratégie économique audacieuse qui pourrait redéfinir un marché jusqu’ici dominé par les solutions chimiques.
De la thèse à l’industrialisation : un parcours de maturation exemplaire
L’histoire de Terratis illustre parfaitement le processus de valorisation de la recherche publique. Tout commence par une thèse soutenue en 2012 sur l’application de la technique de l’insecte stérile (TIS) au moustique tigre Aedes albopictus, menée à La Réunion pour le compte de l’IRD.
Les résultats obtenus lors de la preuve de concept en 2021 – une baisse de 60% du taux de natalité des moustiques sur une vingtaine d’hectares – ont convaincu Clélia Oliva de franchir le pas entrepreneurial. “Je savais que c’était un bel outil et qu’il fonctionnait très bien. Il fallait passer à une autre échelle“, explique la fondatrice.

Un écosystème d’accompagnement performant
Le développement de Terratis s’appuie sur un maillage institutionnel dense. L’incubateur académique Initium a d’abord accompagné les prémices du projet, suivi par le programme Jump’in création du BIC de la métropole montpelliéraine. Cette structuration progressive a permis à l’entrepreneuse de s’initier aux réalités managériales : “Quand on vient de la recherche, il faut former son cerveau à une autre façon de penser.“
Le financement suit une logique d’escalier : subvention Start’Oc Projet de 10 000 euros, puis deux enveloppes BPI France totalisant 210 000 euros (BFT lab et Deeptech), avant l’obtention d’un programme de maturation de 830 000 euros via la Satt AxLr pour le transfert de savoir-faire de l’IRD.
Une montée en puissance industrielle ambitieuse
L’usine pilote de 220 m² inaugurée fin juin dans la zone Parc 2000 représente un investissement de 400 000 euros pour une capacité actuelle d’un million d’unités par semaine, extensible à 4-5 millions. Cette première étape industrielle emploie 14 salariés et vise une couverture commerciale de 300 hectares dès 2025.
La stratégie de déploiement prévoit un passage à l’échelle industrielle dès 2026 avec la construction d’une bio-usine plus importante. L’objectif 2028 est particulièrement ambitieux : 100 millions de moustiques mâles stérilisés par semaine, soit une capacité de protection de 40 000 hectares avec une centaine de salariés.

Un modèle économique diversifié
Au-delà de la lutte anti-vectorielle, Terratis envisage d’étendre sa technologie aux ravageurs agricoles (mouche méditerranéenne des fruits, carpocapse de la pomme, drosophila suzukii). Cette diversification pourrait ouvrir des marchés considérables face à la demande croissante d’alternatives aux pesticides chimiques.
Le modèle économique repose sur la vente de services de biocontrôle aux collectivités territoriales, campings, et potentiellement aux aéroports – zones particulièrement sensibles aux risques sanitaires liés aux virus Zika ou chikungunya.
Terratis bénéficie d’une licence exclusive de l’IRD sur la TIS appliquée au moustique tigre, lui conférant un avantage concurrentiel durable. Cette protection intellectuelle, couplée à la maîtrise industrielle du processus, positionne l’entreprise comme un acteur de référence sur un marché émergent à fort potentiel de croissance.
La labellisation MedVallée renforce cette légitimité et facilite l’accès aux réseaux de financement et de commercialisation dans l’écosystème life sciences régional.
Cette success story montpelliéraine démontre que la transformation d’une innovation de rupture en modèle industriel viable nécessite un accompagnement structuré et des financements adaptés aux différentes phases de maturation. Terratis pourrait bien devenir le fer de lance français d’une filière biocontrôle en pleine expansion.

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