54% des étudiants déclarent sauter des repas pour des raisons financières contre 42% en 2022 et 76% d’entre- eux ont "un reste à vivre" de moins de 100 euros par mois. Ces chiffres en hausse concernent désormais les étudiants en alternance. Arthur Martel, directeur de l’école de Management MBway Lyon s’est saisi du sujet en oeuvrant directement au sein de son campus et compte aller plus loin.
Ecomnews : Comment décelez-vous la précarité étudiante au sein de MBway ?
Arthur Martel : Principalement grâce aux retours des étudiants qui viennent directement nous en parler. Ces remontés peuvent se faire à différentes occasions, par exemple lors des rendez-vous de suivi avec le tuteur de l’entreprise pour laquelle le jeune travaille.
Nous pouvons également être alertés lors des points avec les délégués qui ont lieu tous les mois sur le campus. C’est une nouvelle difficulté à laquelle nous faisons face au même titre que la charge de travail ou la difficulté à trouver un logement.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’étude sur la population étudiante alternante. Cela s’explique en partie par le fait qu’on estime que les étudiants du privé sont « favorisés » car ils ont payé leur école et qu’ils ont donc suffisamment d’argent pour vivre.
C’est pourtant faux, la plupart ayant pris des emprunts sur plusieurs années. Aujourd’hui il ne s’agit pas de la majorité des étudiants mais le sujet revient suffisamment sur la table pour se dire que cela n’est plus anecdotique du tout.
Ecomnews : Pourquoi s’engager en tant que chef d’établissement ?
A.M : Étudier en alternance est un sacré défi qui nécessite de jongler entre sa vie personnelle, sa vie professionnelle et sa vie scolaire. Si à cela on vient ajouter une difficulté qui est de trouver des solutions pour réussir à se loger et à se nourrir, le pari me semble déraisonnable. Consacrer du temps à régler sa précarité c’est autant d’énergie qui n’est pas déployée dans le professionnel et dans l’éducatif.
Nous avons un véritable rôle à jouer en tant qu’école car si nous ne faisons rien, nous prenons le risque d’accroître le pourcentage d’échec des étudiants. Même si ce n’est pas notre métier premier, notre mission principale est “d’amener les étudiants à la réussite” et tout établissement se fait cette promesse là qu’elle soit marketing ou inscrite dans son mode de fonctionnement.
Nous ne délivrons pas un enseignement à quelqu’un avec l’objectif qu’il échoue. La précarité est aujourd’hui un réel facteur d’échec. Il est donc nécessaire de le résoudre. De plus, en tant que chef d’établissement il me semble nécessaire d’ouvrir la voie à d’autres écoles.
Nous devons rester proches de nos étudiants et connaitre leurs difficultés. Il est important de s’impliquer. Si ce n’est pas le chef d’établissement qui le fait, qui va initier ce type de démarche ?
Ecomnews : Quelles initiatives avez-vous mis en place ?
A.M: Je n’ai jamais été partisan de mettre en place des actions pour « faire joli » quand il n’y a pas de besoin. Cependant, sur la précarité, nous avons perçu qu’il y a un vrai sujet, des réels besoins et une claire réalité sur ce que vivent les étudiants.
Nous nous sommes ainsi mobilisés sur ce sujet l’année dernière avec une action porteuse de sens : un cube solidaire permettant, pendant une période donnée, de déposer des denrées non périssables et des produits d’hygiène en collaboration avec une association.
Cela nous a permis de montrer aux étudiants que nous prenions conscience de l’importance du sujet, qu’ils pouvaient nous solliciter en cas de difficultés et cela a donné également du sens à la communication que nous faisions sur les aides existantes.
L’enjeu était également de rendre accessible ce sujet. Nous sommes très à l’aise, engagés et investis et invitons donc nos étudiants à ne pas avoir peur et à venir nous en parler. A travers cette première action, nous nous sommes d’ailleurs rendus compte qu’il y avait une vraie méconnaissance des accompagnements.
Ecomnews : Quelles sont vos ambitions dans les prochains mois ou années ?
A.M: Nous avons renouvelé notre action cube solidaire au sein du campus cette année avec une autre association. Le nombre de denrées récoltées a été triplé avec 616 kilos. Notre objectif est de renouveler l’opération l’année prochaine, d’atteindre la tonne et de professionnaliser cette collecte en travaillant notamment avec des entreprises qui sont dans la fabrication mais aussi la distribution.
A moyen terme, nous souhaitons ouvrir une épicerie solidaire au sein du campus. Nous réfléchissons actuellement où installer cette épicerie afin que les étudiants se sentent à l’aise pour s’y rendre. Nous savons très bien que nous avons sur notre campus un public diversifié.
Je suis convaincu que les étudiants qui ne sont pas en difficulté savent que leurs camarades peuvent l’être et qu’une entraide va s’installer entre ceux qui ont la possibilité de participer à leur hauteur et ceux qui auront l’occasion d’en profiter lors de moments difficiles.
A savoir :
MBway est une école de commerce, présente sur l’ensemble du territoire : Angers, Annecy, Bordeaux, Caen, Chambéry, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Paris, Rennes, Strasbourg, Toulouse et Vannes.
Cet ancrage territorial permet une intégration réelle avec le tissu économique et les entreprises d’un territoire afin d’assurer une immersion pratique des étudiants. MBway propose les cycles d’étude MBA.