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Fiona Urbain
4 février 2025 Dernière mise à jour le Mardi 4 Février 2025 à 09:45

Gérard Gomez, président de la CMA Nouvelle-Aquitaine, nous a dressé un bilan contrasté du secteur de l'artisanat régional, marqué par une dynamique de création d'entreprises qui reste soutenue malgré un climat économique incertain. Analyse.

La région compte désormais 155 449 entreprises artisanales, avec une répartition sectorielle stable : 38% dans les services, 37% dans le bâtiment, suivis par la production (15%) et l’alimentation.

Si les créations d’entreprises demeurent dynamiques, elles accusent un net recul. « On avait en 2022 de l’ordre de 25 000 créations d’entreprises », a souligné Gérard Gomez, un chiffre qui est descendu à environ 16 000 en 2023. Cette tendance s’inscrit néanmoins « en phase avec la dynamique nationale » avec une progression de 5,5% sur l’année.

Les services dominent largement les créations, représentant « 47% des créations, c’est plus deux points par rapport à l’an passé », tandis que le bâtiment recule à 27%, « moins 5 points par rapport au chiffre de l’an passé ». Le nettoyage des bâtiments et les soins de beauté figurent en tête des activités créées, suivis par les services administratifs et les installations électriques.

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Point préoccupant : la forte progression des défaillances d’entreprises. Selon les données de la Banque de France citées par le président de la CMA, ces dernières ont augmenté « d’environ 18% sur les 12 derniers mois ». Le secteur du bâtiment apparaît particulièrement vulnérable, notamment dans le gros œuvre, une situation que « ne sera pas complètement compensée par le second œuvre », a précisé Gérard Gomez.

Ces difficultés touchent principalement les plus petites structures, puisque « dans 90% des cas, les structures sans salariés » sont les plus impactées par la conjoncture actuelle.

Face à ces défis, le président de la CMA a appelé de ses vœux « une stabilité économique politique pour notre pays », estimant qu’il existe actuellement « un déficit de confiance qui amène pas mal d’interrogations et de difficultés dans le quotidien de nos chefs d’entreprises artisanales ».

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Formation : une résilience encourageante malgré les défis

Sur le front de la formation, les chiffres témoignent d’une certaine résilience. Si le nombre d’apprentis traditionnels connaît « une certaine baisse de l’ordre de 3% », celle-ci est compensée par l’arrivée de personnes en reconversion professionnelle, permettant de maintenir une « remarquable stabilité » des effectifs dans les centres de formation.

Cette légère baisse s’explique par deux facteurs principaux selon Gérard Gomez : la multiplication des CFA depuis la loi Pénicaud de 2018 sur la formation professionnelle, et l’impact de la baisse démographique qui « commence à se faire sentir » dans les collèges.

Le profil des apprenants évolue : l’âge moyen reste stable à 19 ans, mais la part des moins de 17 ans progresse significativement, passant « de 52% en 2022 à 57% » actuellement. La proportion féminine connaît un léger recul d’un point, s’établissant à 32%.

Les métiers de bouche maintiennent leur première place dans les formations, représentant « 30% » des apprenants, un chiffre stable par rapport à 2023. Le secteur de la maintenance des véhicules montre un certain dynamisme avec une progression de 2%, même si cette hausse reste encore insuffisante selon la CMA.

Pour le président de la CMA, cette stabilité des effectifs en formation est « plutôt encourageante » dans le contexte actuel, démontrant que « malgré tout, les chefs d’entreprise ont encore confiance en l’apprentissage » qu’ils considèrent comme « la bonne voie » pour former leurs futurs salariés ou repreneurs.

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Une confiance des artisans en berne

L’enquête de conjoncture menée par la CMA Nouvelle-Aquitaine entre le 30 octobre et le 5 décembre 2023 auprès de plus de 90 000 dirigeants artisanaux révèle un climat d’inquiétude croissant.

« Plus de 50% des artisans de Nouvelle-Aquitaine n’ont pas confiance en l’avenir de leur entreprise », un chiffre en hausse par rapport aux 46% de l’année précédente. Plus préoccupant encore, « les artisans les plus pessimistes sont deux fois plus nombreux que les artisans optimistes ».

La situation financière des entreprises apparaît particulièrement tendue : 40,6% des artisans estiment « être en situation de fragilité financière critique ». Le secteur de la production est le plus touché avec 45% d’entreprises en difficulté, suivi du BTP à 35%. « 31% d’entre eux mentionnent des difficultés à gérer leur trésorerie ou à maintenir des marges suffisantes face à l’envolée des coûts », précise Gérard Gomez.

Les trois principales difficultés citées par les artisans sont : la baisse du pouvoir d’achat des clients (70%), le coût des matières premières (46%), et la baisse des carnets de commandes (37%).

Toutefois, le président de la CMA nuance cette perception : « C’est plutôt une baisse du pouvoir d’achat ressenti », explique-t-il, notant que « l’inflation est plutôt contenue » en ce début 2025. Selon lui, le problème serait davantage lié à « l’attentisme des ménages » qui, malgré une épargne « à un niveau jamais vu depuis 2019 », diffèrent leurs dépenses dans l’attente « de jours meilleurs ».

La situation est également compliquée par l’incertitude politique et budgétaire. « Les collectivités n’investissent plus, ne se lancent plus dans des travaux », souligne Gérard Gomez, pointant notamment les blocages liés aux négociations budgétaires nationales qui paralysent certains dispositifs comme la prime rénovation. « Il est vraiment temps que les choses se décantent, qu’on arrive à retrouver une stabilité politique », conclut-il, déplorant une période où « les gouvernements et les ministres s’enchaînent ».

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Priorité au maintien de l’emploi malgré les difficultés

En dépit du contexte économique tendu, les artisans démontrent un fort attachement à leurs équipes. « Une majorité d’artisans souhaite maintenir leurs effectifs. Seulement 11,9% envisagent des licenciements ou ne pas remplacer les départs », révèle l’enquête.

Pour Gérard Gomez, cette résilience est « typique des entreprises artisanales » qui préfèrent « rogner sur les marges, prendre sur la trésorerie en attendant des jours meilleurs » plutôt que de se séparer de leurs salariés. « On a cette capacité dans nos entreprises artisanales à conserver de l’humain dans notre gestion, dans nos projets de ressources humaines », souligne-t-il, établissant un contraste avec « les entreprises du CAC 40 qui ne font pas de sentiments sur l’humain ».

L’engagement dans la formation reste également soutenu : « Quasiment 47% des artisans prévoient un projet de formation en 2025 », que ce soit pour eux-mêmes, leurs salariés ou leurs apprentis. Un signal positif qui témoigne de la volonté du secteur d’investir dans les compétences malgré les difficultés économiques.

Cette approche, privilégiant le maintien de l’emploi et la formation continue au détriment des marges immédiates, illustre la spécificité du modèle artisanal, où le « capital humain » est considéré comme un atout essentiel à préserver.

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