Comment s’en sortent les éleveurs en Haute-Savoie ? Quelles sont leurs forces et leurs inquiétudes ? 3 questions à Pierre-Luc Dufour, Responsable du Centre d'Affaires du Développement de l'Agriculture, au Crédit Agricole des Savoie.
Ecomnews : Comment s’en sortent les éleveurs sur le territoire ?
Pierre-Luc Dufour : Sur les 2 Savoie, 80 % du lait est transformé en fromage sous signes officiels de qualité, donc la quasi-totalité. Nous avons une agriculture qui est basée sur la qualité et qui dispose d’une vraie valeur ajoutée. Si nous nous référons à des EBE (Excédent Brut d’Exploitation) par unité de main d’œuvre ou aux 1 000 L de lait, nous sommes sur des ratios qui sont supérieurs aux ratios français en lait conventionnel.
Quand nous avons sur notre territoire un prix du lait qui, en moyenne sur un an, est quasiment deux fois supérieur à la moyenne française, il paraît logique d’avoir des exploitations agricoles qui arrivent à des ratios de rentabilité nettement supérieurs que dans d’autres territoires en France, toutes proportions et exceptions gardées.
Ecomnews : Quelles sont leurs forces et leurs inquiétudes ?
Pierre-Luc Dufour : Les installations sont toujours dynamiques sur les 2 Savoie. Le taux de renouvellement annuel, en moyenne départementale, sur les exploitations laitières est de 81,6 % en Savoie et 80,1 % en Haute-Savoie, alors qu’ailleurs en France, il est plus proche des 60 à 70 % comme dans la Drôme, l’Isère, le Cantal… Ce qui veut dire que près d’un agriculteur sur deux n’est pas remplacé sur certaines zones. Un signe donc que l’agriculture sur notre territoire reste plus attractive.
Il faut pourtant noter que, même si notre zone reste attractive, nous avons perdu près de 700 exploitations agricoles sur les 2 Savoie ces dernières années. Le changement climatique, la pénibilité et une rémunération qui reste faible font que nous nous interrogeons forcément sur les 20 prochaines années mais nous essayons de faire notre part et d’accompagner les agriculteurs dans de la prévention et des solutions pour palier par exemple aux aléas climatiques.
Ils ont et nous avons tous de gros enjeux devant nous. Mais il faut rappeler que sur les Savoie, c’est inscrit dans les gênes de travailler en collectif, de se regrouper pour le travail du lait, la transformation avec des fromagers affineurs, etc. L’élevage en France représente 312 000 personnes mais aussi 700 000 ETP qui dépendent de l’élevage.
Pierre-Luc Dufour : Oui, c’est évidemment plus rassurant. Quand nous aidons des jeunes à l’installation ou que nous finançons des projets d’investissement, nous regardons des prévisionnels sur des durées de 5 ans. Nous constatons un prix du lait relativement stable voire en hausse, c’est un signe qui a son importance. D’autres collègues dans d’autres régions françaises sont par exemple obligés de « stresser » les prévisionnels car ils ne savent pas quelles seront les projections sur le prix du lait. Pour un banquier qui recherche le minimum de risque, les projets en zone AOP sont souvent des projets plus robustes.
En revanche, il ne faut pas oublier que l’élevage a aussi des contraintes liées à la montagne : le « prix à la vache laitière » dans un projet de construction est notamment plus important en zone de montagne qu’en plaine, tout comme les coûts de matériels spécifiques par exemple. Produire un litre de lait en montagne est plus difficile et plus coûteux qu’en plaine.
C’est donc normal d’aller chercher plus de valeur : c’est un territoire sur lequel il est plus cher de produire mais la valorisation de nos fromages savoyards permet une plus juste répartition de la valeur jusqu’au producteur.