Lors du Salon de l’Immobilier Bas-Carbone (SIBCA) à Paris, une table ronde intitulée « Regards croisés de territoires » a réuni les directeurs généraux des grands projets d’aménagement urbain de Paris, Marseille, et Bordeaux. Stéphan de Faÿ, Aurélie Cousi, et Valérie Lasek ont partagé leurs visions sur les défis et les leviers pour réduire l’empreinte carbone dans leurs projets respectifs. Interviews croisées !
Euroméditerranée : Marseille face au défi des solutions bas-carbone
Aurélie Cousi, Directrice générale d’Euroméditerranée, met en avant les spécificités de Marseille, avec son climat méditerranéen, soumis à des épisodes caniculaires ou pluvieux intenses. Dans ce contexte, le défi est de concilier la qualité de vie des habitants avec des solutions bas carbone. « À Marseille, on porte une démarche de ville méditerranéenne durable en s’appuyant sur nos spécificités climatiques et culturelles », a-t-elle souligné.
Euroméditerranée a misé sur des bâtiments bioclimatiques et des solutions locales pour réduire la température ambiante. « On travaille avec notre réseau de thalassothermie pour rafraîchir de 4 degrés en été », explique Aurélie Cousi, avant de rappeler que les bâtiments sont conçus pour maximiser la ventilation naturelle et garantir un confort optimal.
Selon la Directrice générale, les obstacles principaux sont d’ordre économique, plus que réglementaire. « Travailler avec les collectivités permet d’avoir un impact à grande échelle, en mobilisant tous les acteurs économiques pour développer ces solutions nouvelles. »
Aurélie Cousi reste optimiste sur le développement de nouvelles filières constructives d’ici 2028, permettant de concilier ces défis environnementaux et économiques.
L’EPA Euroméditerranée intervient sur 480 hectares à Marseille. L’envergure du projet permet d’agir à grande échelle, avec des travaux sur des infrastructures majeures (autoroutes, grands équipements, équipements de réseaux de chaleur). Des projets comme le parc Bougainville et le futur parc du ruisseau des Aygalades, créant 20 hectares de nature en pleine ville, en lieu et place d’ancien sites industriels, en sont des exemples concrets.
Le projet d’aménagement d’Euroméditerranée intègre également une dimension d’expérimentation. Des solutions novatrices de la fabrique de la ville sont ainsi testées au sein du Laboratoire Collectif d’Innovation Urbaine, une démarche collaborative entre acteurs publics du territoire qui permet de mutualiser les coûts et d’accélérer les avancées technologiques. Parmi les expérimentations à l’étude, le projet de recherche-action FrichEco soutenu par l’ADEME vise à créer un cycle local de réemploi et refertilisation des sols, réduisant ainsi l’importation de terres extérieures.
Ce modèle global et innovant fait de Marseille un laboratoire de référence pour l’aménagement durable en France.
Grand Paris Aménagement : Penser à long terme pour la durabilité des bâtiments
Pour Stéphan de Faÿ, Directeur général de Grand Paris Aménagement, l’adaptation au changement climatique est un enjeu essentiel dans la conception des villes. « La meilleure manière de décarboner, c’est de doubler la durée de vie d’un bâtiment », a-t-il déclaré.
Stéphan De Faÿ insiste sur la nécessité de créer des bâtiments flexibles, capables de s’adapter aux évolutions futures des usages. Il cite en exemple la démocratisation rapide du télétravail grâce au numérique et se demande quelles seront les révolutions de demain.
Il souligne également l’importance de prévoir dès aujourd’hui les futures canicules : « Il faut que le bâti permette de vivre dans des conditions de confort d’été adaptées à l’Île-de-France en 2050 ou 2080. » Une attention particulière est également portée sur la rénovation du parc existant pour répondre aux enjeux climatiques.
En termes de régulation, Stéphan de Faÿ appelle à une stabilité réglementaire pour permettre aux acteurs économiques de travailler avec visibilité : « La stabilité permet de prévoir, et donc de travailler sur le long terme. »
Toutefois, il estime que la gestion des projets doit être plus holistique, en évitant une vision segmentée où chaque acteur se cantonne à sa spécialité. « La fabrique de la ville est un acte complexe. Il faut assumer cette complexité, sinon on n’arrivera à rien. »
Bordeaux Euratlantique : Le bois au cœur de la transition bas-carbone
Valérie Lasek, Directrice générale de Bordeaux Euratlantique, insiste sur la décarbonation à travers l’utilisation du bois, un matériau abondant en Nouvelle-Aquitaine. « Le matériau de proximité le plus décarboné, c’est le bois », a-t-elle rappelé, citant des projets emblématiques comme la Tour Hypérion, un démonstrateur qui a fait ses preuves pendant la pandémie grâce à la construction hors site.
Le projet Euratlantique, avec un engagement de 25 000 mètres carrés de constructions en bois par an pendant 10 ans, vise à structurer et soutenir la filière régionale. « Il faut donner de la visibilité de long terme pour encourager les trajectoires plus vertueuses », a-t-elle ajouté.
Bordeaux travaille également avec une approche de « jumeau climatique », comparant la ville à des métropoles méditerranéennes pour anticiper les évolutions climatiques futures. « On va s’inspirer de l’architecture de villes en Italie ou en Espagne pour améliorer le confort d’été. »
Enfin, Valérie Lasek rappelle l’importance de garantir un cadre de vie agréable pour les habitants. « La nature en ville devient essentielle, non seulement pour le confort thermique, mais aussi pour le bien-être quotidien. »
Une décarbonation partagée mais adaptée aux territoires
Les échanges entre ces trois acteurs illustrent une convergence dans l’objectif de décarbonation, mais aussi une adaptation aux spécificités locales.
Stéphan de Faÿ, Aurélie Cousi et Valérie Lasek partagent la conviction que la décarbonation de l’immobilier est une nécessité, mais qu’elle doit être adaptée à chaque territoire, à ses réalités économiques et climatiques.
L’un des défis majeurs, partagé par tous, reste de concilier les besoins en logements et infrastructures avec des impératifs écologiques de plus en plus pressants.