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Fiona Urbain
3 October 2025 Dernière mise à jour le Friday, October 3, 2025 At 9:00 AM

Installée en 1991 dans "la plus petite pharmacie d'Alès", Agnès Praden dirige aujourd'hui une entreprise de 43 salariés sur 1 510 m². Un parcours qui illustre les profondes mutations d'un secteur confronté aux défis de la diversification, du digital et de l'évolution des attentes patients. Reportage vidéo.

Le 2 septembre 1991, Agnès Praden pousse pour la première fois la porte de sa pharmacie. Elle a 29 ans et vient d’acquérir “la plus petite pharmacie d’Alès“, nichée au rez-de-chaussée de l’immeuble Étoile 2000. 

Trente-quatre ans plus tard, elle dirige une entreprise de 43 salariés installée sur 1 510 m² au centre commercial Les Allemandes. La pharmacie accueille 1 700 clients par jour en moyenne pour 500 ordonnances. Un parcours qui raconte bien plus qu’une réussite entrepreneuriale : c’est toute l’évolution du métier de pharmacien qui se dessine.

Du compagnonnage à l’entrepreneuriat

Diplômée en 1988, Agnès Praden choisit d’abord la voie du compagnonnage. Pendant trois ans, elle enchaîne les remplacements, apprenant le métier sur le terrain avant de franchir le pas de l’installation. “J’avais vraiment envie d’être dans une pharmacie avec ce côté convivial et de bien recevoir les clients”, se souvient-elle.

Le choix du terme n’est pas anodin. “À l’époque, nous parlions de clients et aujourd’hui, nous parlons de patients, parce que notre métier a énormément évolué et que nous avons de plus en plus de missions à accomplir“, souligne la pharmacienne. Cette nuance sémantique traduit une mutation profonde : le pharmacien n’est plus seulement un dispensateur de médicaments, mais un acteur de santé à part entière.

La stratégie de la diversification

Issue “d’un milieu de commerçants et de chefs d’entreprises“, Agnès Praden applique très tôt un principe entrepreneurial fondamental : ne jamais dépendre d’un seul client. Un défi de taille dans un secteur où “la plupart des pharmacies dépendent entre 90 et 98% de la sécurité sociale“.

Sa réponse : se lancer dans des activités complémentaires. “J’ai toujours eu à cœur d’essayer de développer d’autres parties de la pharmacie, qui sont le matériel médical, le bien-être, la médecine naturelle“, explique-t-elle. Des secteurs qui lui permettent d’offrir “une pharmacie polyvalente qui puisse répondre à tout ce qui concerne la santé, autant dans le curatif que dans le préventif“.

Cette vision stratégique porte ses fruits. En 2008, première expansion : elle transfère sa pharmacie au centre commercial Les Allemandes, passant de quelques dizaines à 220 m². Puis, opportunité après opportunité, elle rachète les cellules adjacentes pour atteindre aujourd’hui plus de 1 510 m², répartis entre espace client, logistique et cabines de soins.

Le tournant du Covid

La pandémie marque un nouveau tournant. “Après le Covid, je me suis rendu compte que le comportement des gens changeait et qu’il fallait avoir un endroit qui soit plus intimiste pour la partie médicale”, constate Agnès Praden.

Début 2024, elle prend une décision radicale : tout casser pour tout reconstruire. “Souvent, je prends l’image de Lego qu’on a tout reconstitué“, sourit-elle. 

Un an de travaux pendant lesquels “plus de 60% de la surface commerciale” disparaît temporairement. Les clients se montrent compréhensifs, et depuis avril 2024, la pharmacie a retrouvé son visage définitif avec des espaces repensés, “une grande allée qui permet aux gens de mieux voir les produits », et des zones “plus cocooning” pour la parapharmacie.

L’objectif ? Concilier l’efficacité d’une grande surface avec l’intimité d’une pharmacie de quartier

J’ai envie que ce soit un peu comme la place d’un gros village“, confie-t-elle. Un lieu où « les gens rencontrent les voisins, et discutent, où des personnes âgées sont contentes de venir parce qu’elles voient du mouvement”.

Une profession en mutation

Pour Agnès Praden, le secteur pharmaceutique vit une transformation comparable à celle que connaissent tous les secteurs économiques. « Nous allons forcément être impactés par l’intelligence artificielle qui va nous faciliter la vie, et qui va nous obliger à avoir de nouvelles procédures, de nouvelles façons de nous comporter », anticipe-t-elle.

Loin de s’en inquiéter, elle y voit une opportunité : “Cela va certainement créer de la valeur ajoutée sur certains postes et permettre d’être encore plus disponible pour les patients, pour les clients et amener de l’humain.” Sa conviction : “Il va, au contraire, falloir renforcer l’accueil, l’écoute et tout ce temps qu’on peut accorder aux gens.

Une philosophie qui tranche avec l’image parfois froide de la grande pharmacie moderne. Pour elle, technologie et humanité ne s’opposent pas : la première doit servir la seconde.

Préparer la relève

À 63 ans, Agnès Praden pense déjà à l’après. “Il arrive un âge où il faut se poser des questions sur le futur“, reconnaît-elle. Depuis le 31 mai 2024, elle a accueilli un jeune associé, Haroun Knani, qui incarne cette continuité qu’elle appelle de ses vœux.

J’avais à cœur que les choses perdurent. Et puis, il y a une équipe qu’il faut conforter, qu’il faut rassurer“, explique-t-elle. C’est Haroun Knani qui a porté le projet de rénovation, “de manière formidable“, souligne-t-elle.

La transmission est progressive : “Je l’accompagne encore pour quelques années. Je ne suis pas encore partie.” L’objectif ? “Amener cette pharmacie à l’an 3000“, dit-elle avec un sourire qui en dit long sur son attachement à cette aventure commencée il y a 34 ans.

Dans un secteur confronté à de multiples défis – désertification médicale, pression économique, mutations technologiques – son parcours démontre qu’innovation et proximité peuvent coexister.