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Nathalie Bureau du Colombier
2 November 2023 Dernière mise à jour le Thursday, November 2, 2023 At 9:10 AM

Du 25 au 27 octobre 2023, directeurs des ports français, métropolitains et ultra-marins, logisticiens, armateurs, opérateurs ferroviaires et fluviaux se sont réunis à Sète pour les 13ème Assises des Ports du Futur, couplées aux 5ème rencontres méditerranéennes de l’Association internationale des infrastructures portuaires et fluviales. Trois jours durant, les experts du secteur ont débattu des enjeux de décarbonation et de réindustrialisation qui transforment les villes et les territoires. Ecomnews était présent.

Recevoir et expédier des marchandises et des voyageurs… Les ports changent de braquet, ils ne se contentent plus de cette fonction historique. Ils deviennent des plates-formes de production d’énergie verte, de report modal et accueillent sur leurs terres de nouvelles industries répondant au triple enjeu de la France : la décarbonation, l’autonomie énergétique et la souveraineté industrielle

Après Paris et Lorient, la direction générale des transports, des infrastructures et des mobilités (DGITM) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) ont jeté l’ancre à Sète pour ces 13ème Assises des Ports du Futur et les 5ème rencontres méditerranéennes de l’Association internationale des infrastructures portuaires et fluviales. Le port de Sète-Frontignan, géré depuis 2008 par la Région Occitanie illustre parfaitement ces transformations durables. 

« D’un côté, les ports doivent développer les services maritimes et logistiques, accélérer le report modal, de l’autre, ils s’engagent à participer à la réindustrialisation verte, à valoriser le patrimoine foncier. Nous sommes à un moment qui ressemble à ce que l’économie française a vécu dans les années 50, lors de la création d’une industrie pétrochimique. Cette concentration d’industries dans les ports a un impact. Elles génèrent la moitié des émissions de CO2 en France. Les industries sont à la fois le problème et la solution », souligne Nicolas Trift, sous-directeur des ports à la DGITM, inaugurant ces trois journées et le nouvel auditorium Maurice Ravel du Conservatoire Manitas de Plata.

De g. à dte : Nicolas Trift, sous-directeur des ports à la DGITM, Philippe Malagola président du port de Sète Frontignan et Pascal Berteaud, directeur général du Cerema inaugurant les Assises des Ports du Futur dans le nouvel auditorium du Conservatoire Manitas des Plata. ©DR

Implantation de Verkor en un temps record  

A ses côtés, le président du port de Sète-Frontignan, Philippe Malagola, a expliqué les axes de cette transformation visant à développer les énergies renouvelables, à promouvoir les solutions innovantes et les modes de transports, les déplacements à faibles émissions et la mise en œuvre d’une stratégie bas carbone. L’impulsion, donnée en 2021, par la stratégie nationale portuaire se concrétise en 2023 sur le port de Dunkerque avec le projet d’une giga factory, une usine de production de batteries de 700 m de long sur un terrain de plus de 10 ha. 

« Pour les formalités d’installation de l’usine de batteries, nous avons mis trois fois moins de temps que les délais habituels  », souligne Sylvain Paineau, cofondateur et directeur Sites et Infrastructures de Verkor. La société grenobloise a réussi la prouesse cet été d’une levée de fonds record de 2 mds €. L’usine, en service à compter de juillet 2025, montera en puissance jusqu’à mi 2027 à 16 GWH. 

Un investissement de 1,5 mds € contribuant à la création de 3 000 emplois indirects. Sur 10 000 ha, la zone industrialo-portuaire de Marseille-Fos qui génère 20% des émissions de CO2 de la France, vit cette même révolution. Au cours des dix ans à venir, 11 milliards d’euros de projets d’investissements répartis entre 3 mds € d’argent public et 8 mds € issus du privé. A lui seul, le port de Marseille-Fos va engager 950 M € d’investissements pour accompagner les industriels

« Notre territoire, marqué par la culture du risque industriel, est en capacité d’accepter de nouveaux projets, de nouvelles technologies et énergies. Les projets arrivent avec une logique d’écosystème. Il faut réserver le foncier aux acteurs qui complètent cet écosystème. Gravithy va permettre de produire de l’acier réduit et Arcelor Mittal Méditerranée va investir dans un four à arc électrique et utiliser de l’acier recyclé. H2V et Consortium SAF+  vont produire du carburant pour l’aviation durable (SAF) et du méthanol », souligne Rémi Costantino, directeur général adjoint du port de Marseille-Fos chargé des grands projets. 

Crédit photo Port de Sète ©Jérémy Flament

Quand l’énergie rebat les cartes des places portuaires

Cette course à la production d’énergies vertes et de nouveaux carburants pourraient même rebattre les cartes en Europe.  « Les ports deviennent un hub pour les énergies renouvelables, ils jouent un rôle déterminant dans l’approvisionnement, le stockage et la conversion des énergies vertes. Le verdissement s’accompagne des investissements dans les infrastructures, les quais, les routes. Avec cette énergie verte, de nouveaux ports voient le jour. Ceux possédant une forte industrie, des éoliennes, peuvent jouer un grand rôle dans l’approvisionnement des nouvelles énergies même s’ils ne sont pas au cœur de la production industrielle. Ainsi, la ville d’Esgberg au Danemark se développe grâce au port. De nouveaux ports vont prendre de l’importance », souligne Isabelle Ryckbost, secrétaire générale de l’ESPO, l’association des ports européens. 

Des enjeux qui posent clairement la question de l’acceptabilité par les populations. D’où l’émergence de nouvelles formes de gouvernances associant les citoyens aux grandes décisions d’infrastructures et à l’aménagement des territoires. Ports Centers, Parlement de la Mer, les conseils de coordination ville port au Chili… Plus récemment, en janvier 2023, le Lab territorial de Fos Berre. L’initiative du sous-préfet d’Istres associe les entreprises et les citoyens et écarte volontairement la politique. Pour le représentant de l’État sur le territoire, c’est un positionnement de rupture tellement novateur. 

Sète, l’ambition d’un smart port

« Sète-Frontignan devient un port à énergie positive. Nous avons installé 46 000 m2 de panneaux solaires et nous avons en projet d’installer 10 ha d’ombrières photovoltaïques. D’ici la fin de cette année, nous allons offrir aux navires quatre connexions à quai et équiper les navires rouliers et les ferries. Un investissement de près de 9 M€ qui permet une économie de 20% de carburant et les émissions de gaz à effet de serre.  Nous avons géré 100 escales fluviales en 2022 et nous misons sur la mise au gabarit du canal du Rhône à Sète », souligne Olivier Carmes, directeur du port de Sète Frontignan. 

Le vrai succès du port ? 

Le report modal intimement lié à DFDS. L’armateur danois en juillet 2019 quitte Toulon pour Sète. Quatre ans plus tard, l’armateur est passé de deux à six départs par semaine entre Yalova Sète et deux départs de trains par semaine entre Sète et Calais avec une reprise entre Calais et Tilbury afin d’offrir une solution intégrée entre Turquie et Angleterre. 

A la fin de l’année, l’opérateur ferroviaire VIIA, va inaugurer à Sète une plate-forme Modhalor permettant d’augmenter la part des remorques sur le train en les chargeant par roulage plutôt que par des reachsteakers munis de pinces. Aujourd’hui seulement 20% repartent par le train.