Alors que la France s’est engagée depuis 2022 dans un vaste plan de réarmement, les entreprises de Provence-Alpes-Côte d’Azur sont invitées à monter en ligne. Le 27 mars, le Conseil régional à l’initiative de Renaud Muselier a accueilli près de 500 participants — industriels, militaires, PME civiles — pour une soirée consacrée à l’« Économie de guerre » et à la réponse régionale à construire.
Avec 59 conflits armés en cours dans le monde, un niveau inédit depuis la Seconde Guerre mondiale, la tension géopolitique s’intensifie. « Nous assistons à un réveil stratégique de l’Europe. La France joue un rôle moteur dans cet effort de réarmement », a déclaré Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, venu à Marseille pour l’occasion. Il a pointé les retards européens dans plusieurs domaines stratégiques — munitions, satellites, drones, cybersécurité — et salué la décision de la Banque Européenne d’Investissement de financer désormais des projets 100 % militaires.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’industrie de défense représente 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, 30 000 emplois et quelque 2 000 entreprises, parmi lesquelles des géants comme Naval Group, Airbus, Thales ou Dassault Aviation.
« Je ne souhaite pas que la Région joue un rôle dans les conflits, mais le réarmement est le garant de nos libertés », a déclaré Renaud Muselier, président de la Région, en rappelant les investissements en cours à Toulon pour la Marine Nationale, à Istres pour la base aérienne et les opérations de maintenance, ou encore à La Londe-les-Maures, Ollioules et Les Bormettes où Naval Group va créer un pôle d’excellence dédié aux drones, systèmes autonomes et armes sous-marines.

Recrutement, formation, logement : les freins à lever
Lors de cette soirée, les enjeux RH ont largement été évoqués. Pierre Réal, général de brigade aérienne et directeur de l’École de l’air et de l’espace, a souligné les difficultés de mobilité et de logement dans la région : « Le foncier est cher, et rejoindre Salon-de-Provence depuis Aix sans voiture reste compliqué. » Il a évoqué le projet de création d’une plateforme d’innovation aéronautique et spatiale en lien avec les acteurs de la formation.
Le gouverneur militaire de Marseille, Thierry Laval, se pose en interface avec le monde civil, rappelant que son rôle était aussi de mettre en relation les PME avec les armées pour répondre aux besoins croissants de l’appareil de défense.

Des entreprises de secteurs connexes se positionnent. À Rousset, Alseamar va ouvrir un nouveau site de 10 000 m² à Signes pour produire ses drones sous-marins capables de rester immergés cinq mois. « Nos systèmes viennent en soutien direct à la Marine nationale », a précisé son Pdg, Jérôme Bezacier.
Dans les Alpes-Maritimes, Arkocean, spécialiste des essaims de drones sous-marins, voit son carnet de commandes se remplir avec une filière de fournisseurs appelée à se structurer et à monter en puissance. « Nos drones, lourds comme des hélicoptères, modélisent les fonds marins en 3D pour des missions longues, furtives et à haute valeur ajoutée », explique sa cofondatrice Tamara Brizard. L’entreprise, jusqu’ici tournée vers l’environnement et l’énergie, voit le secteur de la défense monter en puissance dans son chiffre d’affaires.

À Sorgues, Eurenco augmente ses capacités de production de poudres de gros calibre. Dassault Aviation s’apprête quant à lui à quintupler sa capacité de production mensuelle d’avion Rafale, confirmant l’essor généralisé de la filière.
Même les plus jeunes innovations trouvent leur place. L’aérostat d’A-NSE, dédié à la surveillance, a été testé mi-mars depuis le porte-hélicoptères Tonnerre, lors de l’exercice Dragoon Fury, dans les eaux varoises.
La Région Sud compte 230 PME et ETI spécialisées, plus de 2 000 équipementiers et 47 800 militaires stationnés sur son sol, dont 9 400 civils. Naval Group emploie à lui seul 4 300 personnes à Toulon, première base navale d’Europe, et maillon essentiel du soutien à la flotte française.

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