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Denys Bédarride
22 July 2024 Dernière mise à jour le Monday, July 22, 2024 At 6:45 PM

Des scientifiques de l’Institut Lumière Matière (iLM – Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS) et du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères (IMP – CNRS/INSA Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet-Saint-Etienne) sont parvenus à développer et à breveter un nouvel hydrogel chélatant à base de chitosane fonctionnalisé, spécialement conçu pour le traitement des plaies cutanées complexes. Sa facilité d'utilisation, combinée à ses propriétés biocompatibles et antibactériennes, en fait un outil idéal pour les théâtres d'opérations militaires et divers types de plaies. Cette avancée majeure a été rendue possible grâce à une collaboration étroite avec VetAgro Sup à Lyon, des partenaires ukrainiens de l’Université nationale Taras Chevtchenko de Kiev et deux start-ups deep tech de la région lyonnaise : MexBrain et Nano-H.

Le traitement des plaies représente un enjeu crucial de santé publique, notamment pour les plaies dites complexes qui nécessitent des soins particuliers. En France, on estime qu’environ 2,5 millions de personnes souffrent de plaies dont 35% sont considérées comme complexes.

Le traitement de ces plaies est encore plus problématique en milieu militaire, où les soins doivent être prodigués en urgence dans un environnement non contrôlé, avec des blessures souvent profondes et larges, parfois associées à des corps étrangers métalliques ou à des blessures chimiques causées par exemple par des armes au phosphore.

Sur les théâtres d’opérations militaires et sur les zones de conflits des dix dernières années, l’utilisation d’armes controversées comme les bombes au phosphore ou à sous-munitions a causé des pertes et mutilations considérables.

Dans ce contexte, l’hydrogel ChelaKit développé en partenariat avec l’Ukraine a été conçu pour répondre aux défis posés par le traitement de ces plaies complexes. Se présentant sous forme fluide et gélifiant en milieu physiologique, cette formulation est facile à appliquer en l’absence de personnel médical qualifié et peut traiter des plaies profondes et étendues.

Biocompatible et biodégradable, elle favorise la régénération des tissus sans nécessiter d’intervention chirurgicale pour retirer l’hydrogel après la guérison. ChelaKit a montré de fortes propriétés antimicrobiennes in vitro et sur des modèles porcins, renforçant ainsi son intérêt pour une utilisation en milieu non contrôlé.

De par la fonctionnalisation du chitosane par un chélate, ChelaKit est capable de piéger les ions métalliques responsables des inflammations et du stress oxydant. De plus, ses propriétés acido-basiques et de piégeage des phosphates devraient réduire l’impact des plaies causées par le phosphore.

Ci-dessus : tir d’un obus au phosphore blanc

Les premiers tests sur des modèles rongeurs et porcins ont démontré une forte efficacité dans la résorption des plaies de différentes natures ainsi qu’un puissant effet antibactérien, conduisant au dépôt d’un brevet conjoint. Les partenaires souhaitent désormais poursuivre les développements nécessaires pour transférer cette technologie à l’homme.

Actuellement, les traitements des blessures complexes sont rares, et les thérapies spécifiques pour tout type de plaie sont limitées. Un traitement qui combine diverses propriétés essentielles pour traiter les blessures variées pouvant survenir lors de conflits militaires pourrait améliorer substantiellement les protocoles de traitement et sauver de nombreuses vies et préserver la santé des combattants et des civils.

Dr François Lux, Maître de conférences à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et chercheur à l’Institut Lumière Matière explique : « Ce travail collaboratif est le résultat de plusieurs années de recherche dans le domaine des biopolymères chélatants. Nous sommes convaincus qu’en combinant les propriétés naturelles du chitosane et de chélates spécifiquement choisis nous serons en mesure de proposer un hydrogel protecteur pouvant être facilement déployé pour protéger les soldats ».

Pr Alexandra Montembault, Professeure à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et chercheuse au laboratoire Ingénierie des matériaux polymères ajoute : « Le chitosane est un polymère biosourcé, principalement produit à partir des carapaces de crustacés, d’endosquelettes de calamars ou des parois des champignons. L’utilisation du chitosane pour développer de tels dispositifs médicaux est une très bonne voie de valorisation de la biomasse ».

Dr Dmytrenko Ihor, chirurgien ukrainien, Centre Scientifique National de Chirurgie et Transplantologie, O Chalimova indique : « Dans la structure des blessures lors des conflits armés modernes, les plaies complexes des membres prédominent (jusqu’à 70 %), tandis qu’environ 30 % des blessures sont dues aux tissus mous blessés. L’étape principale du traitement des plaies est leur traitement primaire qui doit être effectué le plus tôt possible et des fois directement sur le champ de bataille ».

Source : F. Lux, O. Tillement, A. Montembault, A. Durand A. Tillement, D. Pin, N. Dziubenko, V. Lysenko, L. David, H. Kuznietsova, S. Legastelois, Chelating wound dressing for treating complex wounds (2024), EP24171351