Le groupe Altares, expert historique et référent de l’information sur les entreprises dévoile aujourd’hui les chiffres des défaillances d’entreprises en Nouvelle-Aquitaine pour l’année 2022. Avec 3 603 procédures ouvertes en 2022, le nombre de cessations de paiement accuse une hausse historique de près de 57 % par rapport à 2021. Le nombre global de procédures reste toutefois inférieur de plus de 720 aux niveaux de 2019. Si le retour aux normes d’avant Covid s’amorce depuis un an, l’augmentation des défaillances s’accélère de manière alarmante pour les très jeunes entreprises et les PME dont plus de 240 ont défailli en 2022, un plus haut depuis 2015.
10 400 emplois menacés
Thierry Millon, directeur des études Altares indique :
« Depuis 2020, en cumul en Nouvelle – Aquitaine, 8 800 entreprises ont fait défaut contre plus de 13 700 durant les trois années précédentes. Près de 4900 défaillances, soit plus d’une année de défaillances, ont ainsi été « épargnées » grâce notamment aux dispositifs d’aides publiques déployés pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire puis de la guerre en Ukraine. Pourtant, si le risque a été anesthésié, évitant la déferlante tant redoutée des faillites, les entreprises ne sortent pas indemnes de ces longs mois de turbulences. Entre inflation et crise énergétique, le climat se complique encore et les fonds propres sont mis à contribution.
Or, l’Observatoire du Financement des Entreprises notait dans son rapport de mai 2021 sur les fonds propres des TPE et PME que si l’essentiel de ces entreprises a affronté la crise avec des situations en fonds propres renforcées avant la Covid, une partie disposait, en revanche, de structures financières très dégradées (un tiers des TPE) ou était insuffisamment capitalisée (20 % des PME analysées).
De son côté, la Commission européenne alerte sur le poids excessif de la dette des entreprises non financières de l’Union qui représentait 111 % du PIB des 27 à fin 2020, soit 14 900 milliards d’euros. Or, le manque de fonds propres handicapant pour investir et se financer est un signal prépondérant du risque de défaillance. »
Le nombre de défaillances d’entreprises en Nouvelle-Aquitaine s’envole de 56,7% en 2022, une hausse supérieure de 7 points à la tendance nationale (+49,9 %).
Avec 3603 ouvertures de redressements ou liquidations judiciaires enregistrées dans la région Nouvelle-Aquitaine, le nombre des défaillances augmente de +56,7% en 2022 en comparaison de 2021. Une tendance nettement supérieure à l’échelle nationale, qui enregistre une hausse historique de +49,9%.
Le niveau des défauts est néanmoins encore nettement inférieur (-16,7%) à celui de 2019, année de référence avant-covid, où près de 4400 cessations de paiement avaient été enregistrées.
A ces défaillances s’ajoutent 133 ouvertures de procédures de sauvegarde, un dispositif de prévention accessible aux seules entreprises qui ne sont pas encore en cessation de paiement, afin de favoriser leur réorganisation. Ce nombre est au plus haut depuis 2018 mais représente à peine plus de 3 % de l’ensemble des ouvertures de procédures.
A noter, la Nouvelle-Aquitaine est la 3e région où l’on recourt le plus à cette procédure après l’Auvergne-Rhône-Alpes (155), l’Ile-de-France (149) et devant la Provence-Alpes-Côte-d’Azur (127).
Les départements qui concentrent les plus gros « volumes » de procédures résistent mieux que la moyenne régionale
La Gironde, qui concentre traditionnellement près du tiers des défaillances d’entreprises (1091) de la région, s’inscrit dans une tendance légèrement meilleure que la moyenne régionale (+ 50,9 %).
Au deuxième rang les Pyrénées-Atlantiques présentent une évolution similaire (395 ; +51,3%). Les Charentes-Maritimesoccupent la troisième place avec 390 défaillances, en augmentation de 51,8%.
Cinq départements comptabilisent entre 200 et 300 défaillances.
En tête, la Dordogne (271) accuse une dégradation de près de 80 % (79,5%). La Haute-Vienne(239 ; +64,8%) et les Landes (237 ; +69,3%) présentent des taux moins marqués.
En revanche, la situation se complique plus rapidement pour le Lot-et-Garonne (236 ; +81,5%) et la Charente (215 ; +85,3 %).
Quatre départements comptabilisent moins de 200 procédures.
Alors que la Creuse subit une hausse de +76,5 % avec 60 défauts, les trois autres départements contiennent la dégradation sous le seuil des + 40 %. C’est le cas de la Corrèze (125 ; +35,9%), des Deux-Sèvres (148 ; + 37%) et de la Vienne (196 ; +37,1%).
Les PME sont à la peine
En Nouvelle-Aquitaine, les TPE concentrent l’essentiel des défaillances (93 %), et donnent donc le ton pour les indicateurs régionaux. 3361 entreprises de moins de 10 salariés ont défailli en 2022, un nombre en augmentation de 53,7% mais encore inférieur de plus 770 à celui de 2019.
Plus d’une TPE sur cinq est de création récente (moins de trois ans). Or ces jeunes entreprises sont très vulnérables : leur nombre (648) a quasi doublé sur un an (+94%).
Pour l’ensemble des PME, la situation se dégrade fortement, avec 242 jugements en redressement judiciaire ou liquidation directe, en hausse de +114,2% et au plus haut depuis 2015 (309).
Dans ces conditions, le nombre d’emplois menacés bondit pour atteindre 10 390 en 2022 contre 6 400 en 2021. C’est donc près de 4 000 emplois menacés de plus sur un an.
Les activités B2C en première ligne sur le front des défauts, mais le B2B est aussi en tension
CONSTRUCTION
Le secteur de la construction, qui concentre un peu moins du quart des faillites, se maintient sous la barre des 800 défauts avec 778 procédures ouvertes, soit 28,6 % de plus qu’en 2021. Une tendance alourdie par les activités du bâtiment (650 ; +43,2 %), notamment celles du second œuvre (423 ; +60 %). A l’inverse, le gros œuvre (173 ; +18 %) contient la dégradation notamment grâce aux travaux de maçonnerie, activité essentielle du gros œuvre, qui stabilisent le nombre des défauts sous le seuil des 130 procédures.
COMMERCE
Le commerce dépasse en revanche les 800 défauts (811), en hausse de 70,7 %.
C’est dans le commerce de détail que les tendances sont les plus sévères (+93 %) notamment dans le multi-rayons (+ 118 %), le détail alimentaire (+102 %), l’équipement du foyer (+100 %) ou l’habillement (+90 %).
SERVICES
Dans les services aux entreprises (400), la hausse est limitée à +35,1%. Toutefois, le nettoyage de bâtiments accuse une très forte dégradation (39 ; +105 %).
Dans les services aux particuliers, la fragilité est extrêmement marquée (149 ; +73,3 %), comme pour les activités de coiffeurs et soins de beauté (+78 %).
INDUSTRIE
Dans le secteur de l’industrie, les défaillances d’entreprises ont plus que doublé (322 ; +109,1 %) tirées par les 146 procédures ouvertes en agroalimentaire (+221 %), parmi lesquelles 118 boulangers-pâtissiers (+211 %).
En manufacture (155 ; +52 %) la situation se complique encore dans les activités d’imprimerie (+80 %) et de bois et matériaux de construction (+71%).
TRANSPORTS
Le retournement, sensible dans le transport routier de marchandises (52 ; +62,5 %), est plus prononcé dans le transport de proximité (+100 %) que dans l’interurbain (+38 %).
RESTAURATION
Dans les activités de restauration, le nombre de défaillances (373) s’est envolé de 140 %. La restauration assise(217 ; +168 %) et la restauration rapide (149 ; +104 %) sont durement touchées ainsi que les débits de boisson (83 ; +207 %). L’hébergement s’inscrit dans cette même tendance (34 ; +113 %).
AGRICULTURE
L’agriculture semble résister (267 ; +11%) notamment dans l’élevage (-3 %) après une année 2021 bien plus compliquée.
2023, une année de transition à bien négocier
Thierry Millon conclut : « Il y a un an, nous rejetions l’hypothèse d’une explosion des défaillances en 2022, en anticipant malgré tout une hausse sensible des défauts. Si le cataclysme n’a pas eu lieu, le rythme est plus soutenu qu’envisagé, faisant craindre un retour aux valeurs d’avant crise plus tôt que prévu. 2019 s’était achevé sur 52 000 défaillances, 2023 pourrait dépasser ce seuil et nous ramener aux valeurs de 2017 au-delà de 55 000. La Nouvelle-Aquitaine devrait dépasser la barre des 4000 défauts. Un nombre certes important mais plutôt raisonnable au regard du contexte très difficile que nous traversons.
Pour certaines TPE et PME, les chances de survie sont compromises. Pour certaines, la fragilité de leur structure financière est en cause. Pour d’autres c’est paradoxalement leur incapacité à honorer des carnets de commandes pourtant bien remplis qui pourrait les amener au défaut. En cause, les difficultés d’approvisionnement, l’explosion des coûts des matériaux et les problèmes de recrutement. Dans tous les cas, les prêteurs seront plus exigeants et se concentreront sur les sociétés dont les bilans seront les plus solides.
Les contraintes financières (remboursement des dettes Covid et notamment PGE ; inflation ; hausse des taux ; facture énergétique, etc.) sont malheureusement vouées à peser toujours plus lourd. Alors que les tensions sur les trésoreries des entreprises se font déjà ressentir, le financement de l’exploitation et donc du BFR (Besoin en Fonds de Roulement) aura à n’en pas douter l’attention des directions financières des TPE PME comme des ETI. »